[Interview] Christophe Jacquinet, ancien directeur général de l'ARS Rhône-Alpes

Extrait d'une interview de Christophe Jacquinet, ancien directeur de l'ARS Rhône-Alpes donnée à HOSPIMEDIA:

"Démis de ses fonctions en Conseil des ministres le 14 février, le DG de l'ARS Rhône-Alpes, Christophe Jacquinet revient pour Hospimedia sur les raisons de son éviction. Il dénonce un "limogeage politique" alors que des désaccords s'étaient fait jour entre l'ARS et de grands élus locaux de l'actuelle majorité sur plusieurs dossiers hospitaliers.

[...]

H. : Comme par exemple la possibilité, à laquelle le Conseil immobilier de l'État invitait le CHU à réfléchir, à savoir la valorisation du site actuel et la reprise du projet d'implantation d'un nouvel hôpital sur le site du CH du Vinatier, situé à Bron, dans l'agglomération lyonnaise...

C.J. : Par exemple, or ce projet n'a jamais été étudié. La position du maire de Lyon, [Gérard Collomb], a été : "on étudie pas d'autres options, c'est celle-ci et pas une autre" (2). J'ai donc été désavoué par le gouvernement sur ce dossier. Cela arrive d'être désavoué, ce n'est pas un drame. Mais j'ai été aussi désavoué sur d'autres dossiers, notamment la fermeture de la maternité de Die [dans la Drôme]. Contrairement à ce qui m'avait été dit d'ailleurs une semaine avant, où j'avais le soutien entier du cabinet de la ministre sur la fermeture de cette maternité... Donc j'avais engagé une préparation à la fermeture, et surtout une reconversion pour imaginer un autre mode de prise en charge pour les femmes du Diois. Point important, sur lequel je voudrais insister, une des raisons du projet de fermeture était pour concentrer les médecins, surtout les pédiatres, dans les gros établissements, car nous en manquons partout et la situation va devenir critique. J'ai appris hier que près de la moitié des pédiatres de Valence est sur le départ, dont deux mobilisés à Die pour en moyenne seulement deux accouchements par semaine. Cela est dramatique car il s’agit de la gestion de ressources humaines médicales rares et sans ces décisions qu’il faut prendre, l’offre hospitalière publique en général va se trouver en très grande difficulté dans les années à venir. Cela donne raison à l'ARS, à la Csos (3) et à la commission régionale des naissances. Chaque femme qui accouchait à Die remplissait un formulaire donné par son obstétricien pour reconnaître être informée que la maternité n'était pas en conformité car elle manquait de pédiatres...!

H. : Que s'est-il passé par la suite ? 

C.J. : Suite à l'intervention d'un grand élu [auprès du ministère], j'ai été désavoué, en présence du grand élu. Et puis j'ai également été désavoué sur la question de l'administration provisoire du centre hospitalier de Roanne [dans la Loire]. Cet hôpital est dans une difficulté épouvantable, qui n'est pas liée à la directrice actuelle, je tiens à le préciser. En quatre ans et demi de direction générale, j'ai rencontré des situations difficiles dans certains hôpitaux, je n'ai jamais demandé une administration provisoire pour un établissement. Parce que je pense que ce n'est pas toujours utile, sauf pour Roanne, car je trouvais que c'était absolument incontournable. Celle-ci m'a été refusée. Je tiens donc à le dire très nettement, dans les trois situations évoquées, des élus de la majorité étaient concernés. Par contre, quand il a fallu que je ferme la chirurgie de l'hôpital de Crest [dans la Drôme] (lire ci-contre), près de Die, qui concerne un élu de l'opposition, la ministre m'a soutenu. C'est ce que je dénonce, dans mon limogeage, des décisions dans le système de santé, malheureusement souvent prises avec comme critère principal le soutien à des élus de la majorité. A Die, Lyon, Roanne, nous sommes dans des situations où le critère prépondérant de décision est un critère politique. Par contre, quand je ferme la chirurgie de Crest, contre l'avis d'un ténor de l'opposition, le député UMP de la Drôme et maire de Crest, Hervé Mariton, on me dit: "Aucun problème". C'est une réalité que vivent d'autres DG d'ARS, et c'est une réalité personnelle que j'ai connue. Or, j'ai toujours été d'une grande loyauté, que ce soit vis-à-vis de ce gouvernement que j'ai servi pendant près de deux ans, ou du précédent gouvernement, pendant deux ans également. Je ne fais pas de politique, je ne suis affilié à aucun camp politique, ni à droite, ni à gauche. J’ai dit tout haut cette réalité parce que je crois qu’il faut qu’on fasse collectivement évoluer cette situation parce qu’il nous faut impérativement nous mobiliser pour conserver un système de santé solidaire, et cela suscite beaucoup de réactions.

J'ai toujours été d'une grande loyauté, (...) je ne fais pas de politique,  affilié à aucun camp politique, ni à droite, ni à gauche. J'ai dit tout haut cette réalité (...) et cela suscite beaucoup de réactions.[...]"

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