Lettre ouverte des soignants Diois

Lettre ouverte du 24 juin 2019 adressée à L'ARS, à M Serveaux Directeur des centres hospitaliers de Valence et Die , à Mme Belgoffart directrice adjointe du CH de Die, Dr Zamour responsable du SAMU de Valence
Copie Dr Fernandez, Collectif de défense de l’hôpital, Mr Matheron Président de la CCD , M Tremollet Maire de Die, M Mere chargé de mission santé du conseil départemental de la Drome
Copie : Journal du Diois, Dauphiné libéré

"Nous, une trentaine de soignants du Diois, libéraux et hospitaliers, souhaitons vous interpeller sur la situation des soins médicaux sur notre territoire et plus particulièrement concernant l'hôpital de Die.

Dernièrement, un peu plus d'un an après la fermeture de la maternité de Die, le décès in utero d’un bébé nous a profondément touché. Deux accouchements sont encore survenus récemment dans des véhicules allant à une maternité « de remplacement ».

Après la fermeture de la maternité et du bloc opératoire, le regroupement des services de médecine polyvalente et de médecine gériatrique marque encore l’appauvrissement de l’offre de soin proposée par l'hôpital.

Nous assistons aux multiples changements qui secouent l'hôpital. Mais aucune information ne nous arrive directement, ce sont les patients, les secrétaires ou les professionnels de santé qui nous les relaient à posteriori.

Dernièrement nous nous sommes réunis pour en parler. Cette réunion de soignants du Diois regroupait une trentaine de personnes, à la fois libéraux et hospitaliers."

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"Voici le constat que nous avons fait :

1. L’hôpital de Die est un relais indispensable pour le maillage et l'organisation des soins dans le Diois.

Pour nous, l'hôpital de Die tient une place centrale et irremplaçable sur notre territoire. En effet les centres hospitaliers de référence les plus proches: Valence, Montélimar, Romans, Grenoble ou Gap sont à plus d’une heure de voiture.

Aujourd’hui l’hôpital de Die offre encore :

● Un service d’urgences ouvert 24h /24 ;

● Un service d'unité d’hospitalisation de courte durée où se poursuivent les soins initiés aux urgences ;

● Un service de “Médecines” qui correspond essentiellement à un court séjour gériatrique avec quelques lits de Médecine Polyvalente ;

● Un centre de périnatalité qui assure le suivi des femmes enceintes et du post-partum ainsi que des consultations gynécologiques et  IVG médicamenteuses à domicile ;

● Un service de soin de suite et de réadaptation ;

● Un service de soins infirmiers à domicile ;

● Un service d’hébergement pour personnes âgées dépendantes incluant le service d’hébergement pour patients âgés atteints de maladies neurodégénératives: le Fil de Soi ;

● Un ESAD, Equipe Spécialisée Alzheimer à Domicile ;

●  GIND : garde itinérante de nuit ;

● Un service de radiologie avec : écho-doppler, mammographies, scanners programmés et urgents, radiographies et échographies ;

● Une activité de biologie médicale délocalisée 24h/24h située au service des urgences ;

● Des consultations externes assurées par des spécialistes venant faire des consultations sur l'hôpital de Die (cardiologie, neurologie, gastro-entérologie, orthopédie, urologie, endocrinologie…).

Nous sommes conscients de la grande fragilité de ces différents services qui nous semblent pourtant tous indispensables.

On nous promet un hôpital neuf dans quelques années, mais à quoi ressemblera-t-il si le nombre de soignants continue à décroître toujours un peu plus chaque année ?

2. Il y a un problème majeur de communication entre l'ARS, l’Hôpital de Die et l’extérieur qui est délétère pour tous.

Cette communication est parfois tellement inexistante ou inappropriée que nous en venons à nous demander s'il n'y a pas une volonté délibérée de nuire à l'hôpital !

Ce problème touche tous les niveaux de l'organisation des soins.

  • Pas ou peu d'information sur le déroulement et l'offre des consultations externes :

Que nous soyons soignants hospitaliers ou libéraux, nous apprenons l'arrivée ou le départ des consultants le plus souvent par le bouche à oreille et à posteriori. Ceci entraîne une perte de chance, une perte de temps, une désorganisation et des difficultés pour les soignants comme pour les soignés.

De nombreuses questions se posent :

- Quand aurons-nous à nouveau des consultations ORL sur l’hôpital de Die ?

- La dermatologue qui part prochainement sera-t-elle remplacée ?

-Que va-t-il se passer pour les consultations de neurologie, de cardiologie, d'ophtalmologie ?

C'est pourtant simple, nous avons besoin d'être informés régulièrement des consultations des spécialistes sur l’Hôpital. Qui part et quand ? Qui arrive ?

Comment utiliser à bon escient la venue de ces spécialistes si nous ne sommes pas tenus informés ?

  • Peu d'information sur les services en activité et beaucoup de dysfonctionnements :
  • La médecine polyvalente

Nous avons appris dernièrement le regroupement du service de médecine polyvalente et du service de court séjour gériatrique ! Avant cela, le service de médecine polyvalente a souffert d'un fonctionnement entravé par le recours à de multiples médecins intérimaires. Cette situation, ne permettant pas un suivi approprié des patients, a entraîné une perte de confiance et, ainsi, une diminution des hospitalisations.

Ce n'est pas par absence de besoin que le service s'est désertifié mais par manque de confiance devant des dysfonctionnements graves et répétés.

Au final, c'est une nouvelle fermeture d'un service de l’hôpital qui passe presque inaperçue aux yeux de la population.

Mais des questions en découlent :

- Quels actes seront encore possibles (transfusions, déplétion sanguine, chimiothérapie…) ?

- Comment sera organisé le nouveau service fusionné ?

- Le service sera-t-il encore adapté à l'accueil des patients plus jeunes ?

Aucune information n'est donnée aux libéraux et il semble que pour les hospitaliers de nombreuses questions restent sans réponse.

  • Le centre de périnatalité

Les possibilités de préparation à l’accouchement et d'accompagnement, peuvent peut-être être optimisées selon certaines sages-femmes et des femmes enceintes. Les délais de rendez-vous sont de plus en plus longs.

Malgré cela, il semblerait que le nombre d'heures des sages-femmes ait été récemment revu à la baisse.

L’information concernant les dates prévues des cellules de coordination bimensuelle, qui sont des temps capitaux d’échange dans notre réseau entre le CPP et le secteur libéral et territorial, n’a pas été anticipée cet hiver et ce printemps ne permettant pas une organisation optimum de tous les acteurs pour se rendre disponible.

Le réflexe partenarial avec les professionnels du secteur libéral et territorial n’est pas encore solidement ancré.

  • Le service de soins de suite et de réadaptation

Il est question que ce service puisse passer de 15 à 20 lits du fait d'une importante demande. Mais il semble que ceci soit entravé par un manque de personnel de rééducation. Ce défaut de personnel peut même conduire à court terme à une fermeture de lits au lieu d'une ouverture. Quel dommage !

  • La radiologie

Les mammographies n'ont plus été possibles sur Die pendant de nombreux mois malgré un matériel neuf et de pointe. Nous ne savons que répondre à nos patientes qui nous demandent si elles peuvent faire leurs mammographies sur Die.

Les échographies ostéo-articulaires ne sont plus possibles depuis l'arrivée du scanner. Expliquez-nous pourquoi !

Nous avons cru comprendre que le scanner était maintenant utilisable pour les urgences mais cela reste du bouche à oreille. C'est pourtant un critère déterminant pour l'orientation des patients lors de certaines situations d'urgence.

Quid des échographies des nouveaux-nés/nourrissons à pratiquer dans le 1er mois de vie (transfontanellaires, rénales, hanches, etc … ) ?

Actualités : un jeune couple parental du Haut-Diois doit se rendre à 2 j d’intervalle au CH de Montélimar (1h45 de route aller !) début juillet pour ce type d’examen avec un nouveau-né de 3 semaines et la chaleur estivale… et précarité ne rime toujours pas avec voiture à air conditionné.

  • Aucune communication de l'ARS auprès des libéraux sur l'organisation des soins :
  • Le rôle donné aux médecins libéraux et aux Médecins Correspondants SAMU (MCS)

Les médecins libéraux et notamment les Médecins Correspondants SAMU ont appris la fermeture de la maternité et leur rôle dans le dispositif de remplacement par voie de presse sans aucune concertation. Devant ce procédé aberrant un courrier avait été fait. L'absence de réponse avait entraîné l’arrêt temporaire des gardes MCS au mois de février 2018.

Cette action avait enfin permis une réunion entre les médecins libéraux du Diois et l'ARS.

Au cours de celle-ci, des gages d'écoute ultérieure, de partage d'information et de concertation avaient été donnés.

Néanmoins, depuis mars 2018 aucune information sur l'organisation des soins n'a été relayée en dépit des derniers événements dramatiques survenus. Nous nous sentons trahis et abandonnés sur le terrain.

Après cela comment penser que nous pouvons travailler en bonne intelligence ?

Rappelons que les sages-femmes libérales (Die, Crest et Aubres) ont également été informées par voie de presse qu’elles allaient être Correspondantes Samu, sans aucune consultation préalable ou réflexions convergentes avec les autorités compétentes à ce sujet.

  • L'organisation des soins d'urgences vitales sur notre territoire

Là encore il subsiste beaucoup de questions sans réponse :

Si l'hélicoptère du SAMU de Valence n'est pas disponible en cas d'urgence vitale, comment doit s'organiser l'articulation MCS, SAMU, pompiers, urgences de Die selon les situations ? Comment pallier au délai de route incompressible si l’hôpital de Die n'est plus un recours adapté ?

Si une parturiente est admise aux urgences de Die — même pour un transfert — qu'est-il prévu pour l'accueillir ?

Les experts dépêchés par l'ARS, suite au décès in utero de ce bébé, répondent-t-ils à cette problématique vitale et proposent-ils des solutions ? N’ayant pas reçu directement le rapport, nous ne le savons pas.

Comment les acteurs de soins de terrain, peuvent-il appliquer des procédures théoriques établies dans les hautes sphères quand elles ne sont pas en adéquation avec les moyens humains et matériels présents sur place et quand elles ne sont pas exposées clairement aux différents acteurs ?

Ceci n’a-t-il pas abouti aux aberrations constatées?

3. Rien n'est fait à l’Hôpital de Die pour attirer de nouveaux soignants.

Le site internet, vitrine de l’hôpital de Die, est complètement obsolète. Une visite vaut tous les commentaires : des caractères d'erreur, des liens qui ne fonctionnent pas, aucune mise à jour. C'est révoltant !

À l’entrée de l'hôpital, le tableau des médecins n'est pas à jour. On y trouve le nom de professionnels qui ne sont plus là depuis bien longtemps.

Nous avons des témoignages de soignants recrutés pour un poste et qui sont affectés à un autre, ou pire encore, de postulants que l'administration n'a pas cherché à encourager voire même qu'elle a cherché à faire recruter sur un autre hôpital.

S'il existe aujourd'hui une pénurie nationale de médecins rendant leur recrutement très difficile, d'autres soignants, comme les kinésithérapeutes, sont en nombre suffisant. Pourtant même pour les kinésithérapeutes le manque de personnel est bien réel à l'Hôpital de Die.

Pourquoi certaines demandes simples comme l'utilisation de masques ou l’accès à l’oxygène n'aboutissent-elles pas ? Ceci est à l'origine de conditions de travail difficiles et inadaptées pour les soignants qui se lassent et s'en vont.

4. En conclusion :

Nous, soignants du Diois, libéraux et hospitaliers, sommes inquiets des difficultés croissantes que nous rencontrons pour maintenir des soins cohérents et adaptés aux besoins des patients sur notre territoire. L’Hôpital de Die et ses services actifs sont des éléments indispensables à un maillage efficace.

La désorganisation du système de soin en France devient criante aussi bien au niveau national qu'au niveau des petits territoires et le Diois ne fait pas exception. Ceci entraîne des délais de prise en charge de plus en plus longs malgré toute la bonne volonté de chacun et des plannings surchargés.  Les soignants en souffrent et se sentent prisonniers d'un système qui les conduit inexorablement vers une déshumanisation du soin.

Être soignant, c'est un accompagnement de la Vie (et donc de la Mort), or la Vie est un mystère qui ne peut être mis en tableaux ou en Power-Point, pour des « soi-disant » critères de rentabilité et d'optimisation comptable.

On essaie de nous faire croire que les soignés peuvent être traités comme des objets et que les soignants peuvent agir comme des automates, qu'ils peuvent produire toujours plus d'actes en moins de temps, qu'ils peuvent donner toujours la même réponse à la même problématique.

Mais le temps du soin et de l'humain ne rentrera jamais dans cette vision étriquée et fausse.

Un soignant ne produit pas des boîtes de petits pois, il participe à soutenir et accompagner chaque  soigné dans le fleuve mystérieux de la vie. Il nous paraît donc important que les moyens et l'organisation des soins soient optimisés au maximum.

Le manque de communication et de cohérence dans certaines instances décisionnelles nous interroge sur la capacité des dispositifs actuels à répondre de façon adaptée à l'organisation des soins de notre territoire.

Le saucissonnage systématique entre les différentes instances et les différents intervenants du soin, hiérarchisés dans une gouvernance verticale, ne nous permet pas de travailler en étant informés, partenaires, acteurs. La confiance est donc rompue.

C'est pourquoi, devant ce constat, nous souhaiterions mettre en place une autre coopération entre soignants, soignés et administratifs. Ceci afin de permettre une recherche de solutions adaptées (en moyens humains et matériels) aux besoins et contraintes de chacun.

Il nous apparaît que notre territoire étant petit et que la communication y étant simple entre les différents intervenants dans le domaine de la santé, il se prêterait particulièrement bien à un nouveau mode d'organisation des soins concertés et avec l'implication des soignants. Finalement cette petite taille pourrait être une force pour réaliser ces changements.

Ces réflexions, nous les engageons et nous les retranscrirons dans un deuxième temps après une élaboration plus complète.

Anne Depréneuf, Orthophoniste à Die (en libéral et vacataire à l’hôpital de Die)

Florence Rouchouse (infirmière libérale à Die )

Philippe Vigon (kinésithérapeute libéral à luc en diois)

Marijke Gijsenbergh (kiné libéral, Luc en Diois)

Eve Marchand (Biologiste médical Unibio Die)

Myriam Bonjean (médecin généraliste)

Olivier Guéry (Kiné libéral, Solaure en Diois)

Amandine MASSON (infirmière libérale à Luc en Diois)

Gabriel MARION (psychiatre libéral sur Die)

Jessica LE PRIOL (infirmière libérale à DIE)

Kouka HEYRAUD (infirmière libérale, Solaure en diois)

Manuelle MOURIER (Psychomotricienne de l’hôpital de Die

Chantal REYNAUD (infirmière libérale à Die )

Guilhem COLLIN (Enseignant en Activités Physiques Adaptées CH Die)

Isabelle Vasseur (kinésithérapeute libérale à Die)

Miléna Bridonneau (kinésithérapeute CH Die)

Emmanuelle MALAFRONTE (orthophoniste, Luc en Diois)

Stéphane MALAFRONTE (ostéopathe, Châtillon en Diois)

Florian GALLIN-MARTEL (infirmier CH DIE)

Ludivine SGANDURRA (Sage-femme Libérale)

Veronika EPPENSTEINER (sage-femme libérale)

Violaine JEUNE ( infirmière libérale, Luc en Diois)

Valérie NOEL (Médecin gériatre CH DIE)

Céline GONDOUIN (Médecin généraliste)

Sara FRAGNAUD (Infirmière au CH de Die, service SSR)

Antoine Neyret (kinésithérapeute Die)

Thierry POUDREL (kiné libéral Die)

Bettina POUDREL (kinésithérapeute libérale à Die)

Corinne Grunewald (kinésithérapeute libéral Die)

Florent CIVALLERI (Infirmier libéral à Luc en Diois)

Wostyn Yannick (infirmière libérale)

Marcel Bonjean (médecin SSR, CH de Die)

Catherine BERTIN (infirmière au CH de Die, SSR)

Elise Monette (médecin généraliste)

Marie Stahl (infirmière libérale à Die)

Eric Sicard (Ostéopathe à Die)"

 

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