Témoignage de la naissance de mon fils, Aimé Martinez par Céline Guillemot

AVERTISSEMENT : Vous trouverez ci-après le témoignage extrêmement douloureux que nous a confié la maman du bébé décédé in utero. C'est à sa demande que nous le publions, MAIS vous n'êtes pas obligés de lire, les mots sont foudroyants.

Je me trouvais chez moi en compagnie de mon compagnon et nos deux garçons, âgés de 4 et 8 ans. C'était le soir du 18 février 2019. J'étais à la fin de mon 8ème mois de grossesse. Je me suis soudainement sentie mal, prise de vertiges et de crampes intestinales. Peu de temps après l'hémorragie a commencé.

Fabrice, mon  compagnon a aussitôt appelé les secours. Compte tenu de mes antécédents, nous devions avoir un dossier informatisé indiquant à l'équipe de secours de façon claire la nécessité d'agir d'urgence si des saignements se manifestaient. Nous doutons que le samu ait eu accès à ce dossier.

Les pompiers sont arrivés. Ils ont fait état de ma situation, je les ai sentis complètement démunis. Je leur ai expliqué que j'avais déjà vécu une hémorragie pour mon précédent accouchement, qu'il fallait aller très vite : « C'est un décollement du placenta, mon bébé ne sera plus oxygéné, s'il vous plaît, emmenez-moi. »

Mais il leur fallait attendre les consignes de leurs supérieurs pour agir.

Enfin, ils m'ont installée et immobilisée sur un brancard et nous sommes partis pour l'hôpital de Die.

Je continuais à saigner. J'essayais de rester confiante et rassurante mais j'étais très inquiète pour mon bébé par le manque de réactivité des secours.

J'ai commencé à sentir les premières contractions. Seule avec les pompiers, Fabrice étant resté à la maison avec nos enfants pour organiser leur garde.

Aux urgences de Die, j'ai été à nouveau questionnée sur ce qui s'était passé, on a pris mes constantes. Personne n'a vérifié comment allait mon bébé.

Il venait d'être décidé que nous irions à la maternité de Montélimar en hélicoptère, mais celui-ci n'était pas disponible, il fallait attendre...

Fabrice avait pu me rejoindre, nous ne comprenions pas la lenteur et la passivité du protocole.

Plus tard, une sage-femme est arrivée de Valence par l'hélicoptère. Elle m'a enfin auscultée munie d'un petit appareil pour écouter notre bébé. Elle n'a pas entendu son coeur. C'était la première personne qui s'occupait de notre enfant.

Finalement, j'ai été chargée dans l'hélicoptère. A nouveau séparée de Fabrice. Le travail s'est intensifié. Pendant le vol, les contractions se sont amplifiées et rapprochées. J'étais sanglée sur le brancard, un casque anti-bruit sur les oreilles, dans une froide solitude. A chaque contraction, je cherchais une position pour me soulager et accompagner la progression de mon bébé. Je souffrais, je me tortillais, j'avais commencé à pousser. J'ai failli accoucher dans le ciel...

A peine arrivés à la maternité, dans un couloir menant à la salle de naissance, la tête de mon bébé sortait. J'ai accouché d'un magnifique petit garçon, mort né.

Après la délivrance et malgré ma réticence, j'ai reçu une anesthésie générale pour que me soit évacué le sang restant et l'hématome créé par le décollement rétro-placentaire.

A mon réveil, j'étais seule, désemparée, parachutée, horrifiée, perdue dans un cataclysme de souvenirs flous que je n'arrivais pas à réordonner.

Le reste de la nuit, j'ai pu veiller mon bébé dans la paix et la douceur, rejointe plus tard par son papa.

Nous avons savouré ces moments d'amour cruellement éphémères.

Nous l'avons nommé Aimé.

L'écriture de ce témoignage est bien douloureuse mais j'espère qu'elle servira à dénoncer l'injustice et les conditions inhumaines dans lesquelles notre bébé n'a pas été secouru.

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